Page:Castelli - Traicté de la mesure des eaux courantes, 1664.djvu/4

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que les ouuriers furent eſpouuantez par duers prodiges, qui les contraignirent d’abandonner le trauail : Et que les Rois d’Egupte auoient bien eu la penſée, mais qu’ils n’ozerent iamais entreprendre, de ioindre la mer rouge à la Mediterranée. Peut-eſtre qu’il y a encore auiourd’huy de perſonnes qui raiſonnent de la meſme façon, touchant la ionction de la Mer Mediterranée auec l’Ocean, par le moyen des Riuieres qui ſont entre-deux, & qui diſent comme ces gens-la, qu’il ne faut pas que les hommes entreprennent de changer l’ordre que Dieu a mis dans l’Vniuers. Mais s’il y a quelqu’vn qui ſoit dans cette erreur, il n’eſt pas difficille de luy faire comprendre, que Dieu a eſtably l’homme ſur la terre, comme ſon Lieutenant ; qu’il luy a donné la liberté de ſe ſeruir de toutes ſes creatures, animées, & inanimées ; & meſme de changer leurs inclinations naturelles, pour les employer à ſon vſage, non ſeulement pour la neceſsité, mais auſsi pour le plaiſir & pour la magnificence. Ainſi il ne luy a pas ſeulement permis d’oppoſer des digues aux flots de la Mer, & de chauſſées aux inondations des Riuieres, mais auſsi de les deſtourner de leurs cours naturel pour arroſer des campagnes ſeches & ſteriles, & de faire monter l’eau dans les tuyaux de ſes fontaines, pour l’embeliſſement de ſes parterres. Il luy a donné l’adreſſe d’apriuoiſer les Tygres & les Lyons, & de dompter la force des Elephans pour leur faire traiſner ſes chars de triomphe : de dreſſer les oiſeaux de proye, pour luy ſeruir de chaſſeurs, de leur donner l’eſſor dans les airs, & de les faire reuvenir ſur le point quand il les rapelle. Dieu ne trouue par mauuais qu’il ente des arbres, ny qu’il faſſe accoupler des animaux de diuerſe nature, pour faire naiſtre par ce meſlange