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les quatre fils aymon

Comme lui il n’agit point pour son compte et intervient seulement quand les Fils Aymon sont en péril ; c’est vraiment leur génie tutélaire. Vient-il du pays des Elfes et des lutins ? Je serais bien près de l’admettre si Maugis n’offrait les traits caractéristiques de ces personnages avisés ou savants, que le Moyen Âge, dans son étonnement naïf pour des talents qu’il jugeait surhumains, transformait en sorciers. Blanc ça diab’, « les Blancs sont des diables », disait un pauvre noir qui regardait marcher l’aiguille d’une pendule dont le timbre venait de sonner. Toutes les explications étaient vaines ; sans le secours du diable, on n’eût pu faire une machine aussi intelligente. Or dans le milieu mérovingien où se meuvent les fils de Chilpéric et Gondowald, il est un homme, Gonthramn Boso, Gonthramn le Mauvais, « téméraire dans ses entreprises, dit Grégoire de Tours, avide du bien d’autrui, promettant toujours et ne tenant jamais ses promesses[1] », unissant (on l’a vu à l’œuvre) l’audace, la rapacité et la fourberie. Il était très soupçonné d’avoir eu une part dans la mort de Théodebert[2] ; il avait joué un râle de traître à Tours ; il était du complot qui avait réduit Merovig au suicide. Aux époques troublées et grossières, la notoriété des crimes est un titre à je ne sais quelle gloire mauvaise[3]. Penser à un tel homme à propos de Maugis serait sans excuse, si Gonthramn n’avait été au premier rang

  1. Gregor. Turon. IX, 10.
  2. Gregor. IV, 51 ; V, 14.
  3. Tel de ses méfaits est d’un voleur de bas étage. Une parente de sa femme était morte sans laisser d’enfants et avait été ensevelie dans la basilique de Metz avec tout ce qu’elle possédait de précieux : « cum grandibus ornamentis et multo auro ». Gonthramn-Bose veut profiter de ce qu’à l’occasion de la fête de saint Rémy l’évêque, le duc et beaucoup des principaux habitants ont quitté la ville. Il envoie des serviteurs qui s’enferment dans l’église, ouvrent la tombe et dépouillent le cadavre. L’intervention des moines les empêcha d’emporter leur butin et ils avouèrent qu’ils obéissaient à l’ordre de Gonthramn. Celui-ci dut comparaître devant Childebert qui tenait sa cour (placitum) dans les Ardennes ; il ne sut que répondre à ceux qui l’accusaient et prit la fuite. On confisqua ce qu’il avait gagné en Auvergne. Gregor. Turon. VIII, 21. Ceci se passait après la réconciliation de Childebert et de son oncle ; Gonthramn aurait dû être prudent, mais il était incorrigible. Cette hardiesse effrontée, ce mépris de toutes les lois valaient des partisans aux époques barbares : Gonthramn, qui avait trahi tant de gens, eut le tort de croire que Childebert le protégerait toujours.