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les quatre fils aymon

afin de lui donner à manger. Rampaldo lance le faucon dans l’air, et celui-ci, suivant son habitude, s’élève.

» Rampaldo allait un bâton à la main par la campagne, battant çà et là les arbrisseaux et faisant grand bruit. Le comte Roland, qui était à la fontaine, voit le faucon et reconnaît que c’est le sien. Il se dresse en pieds, met un gant de cuir à sa main gauche et appelle le faucon à haute voix. L’oiseau reconnaît aussitôt la voix de son maître, descend d’en haut et vient se poser sur le poing du comte. Rampaldo, voyant le faucon descendre au lieu de faire son vol suivant son habitude, entre en une grande colère et chevauche du côté où l’oiseau était descendu ; et tant il chevaucha au son que faisaient les grelots du faucon, qu’il sortit de la forêt et arriva dans une belle campagne. Là, regardant devant lui, il vit un chevalier qui tenait un faucon sur son poing. Il s’avance encore à un trait d’arc et reconnaît le fils du comte Milon d’Anglante. Il ne dit rien, mais court au pavillon de Charles. Quand Charles vit que Rampaldo n’avait plus le faucon, il dit : Ah ! méchant traître, qu’as-tu fait du faucon de mon neveu ? J’en jure Dieu, s’il est perdu, je te ferai pendre. Rampaldo répond : Je ne vous crains pas, car le faucon est sur le poing d’un chevalier qui saura défendre lui et moi, c’est le comte Roland, qui avec deux compagnons est à deux lieues d’ici. Charles répondit : Par Dieu, si les choses sont autres, je te ferai mourir de male mort. Le duc Naymes, qui était là, ne tarde point, mais monte à cheval et se fait dire où est le comte Roland. Il chevauche vers la fontaine et voit un chevalier qui tenait le faucon sur son poing. Aussitôt il se jette à terre, s’agenouille devant Roland et lui baise les pieds. Mais le comte s’incline et relève le duc Naymes. Les barons se firent grande fête[1] ».

Le romancier italien, en faisant reconnaître d’abord Roland par son faucon fidèle, nous avertit en quelque sorte de l’intérêt avec lequel on lisait dans son pays la version du manuscrit B. L’on verra d’ailleurs plus loin que le manuscrit de Venise en procède. Dans la Spagna en vers, le passage est gâté très maladroitement, à en juger par la mauvaise édition

  1. Il Viaggio di Carlo Magno in Ispagna, éd. Ceruti, t. II, p. 46-49.