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XXI


Eh bien ! pour Μ. Chapleau, ce ne fut pas même une bagatelle de difficulté ! pas plus de difficulté que dans le gosier de Dansereau ! Pas plus de trouble que dans la conscience de Senécal !

« C’est bien simple, disait-il : pour donner un portefeuille à Robitaille et faire bénéficier le pays des services administratifs de ce géant d’homme d’État, Langevin n’a eu qu’à dire : Plus de ministres français au Sénat !

« Bien ! Puisque pour faire ministre fédéral un homme qui n’est toujours qu’un pigmée à mes côtés, il n’a fallu que sacrifier les droits de notre langue, de notre nationalité, de notre Province au Sénat… »

« A fortiori : Quand il s’agit de l’intérêt personnel de moi Chapleau, pas de ministre français qui tienne au Sénat ! »

Qu’est-ce qu’un intérêt national de premier ordre, à côté d’un désir du grand homme ?

Donc, ce n’était là nullement la difficulté.


XXII


Maintenant, pouvait-on sérieusement opposer à l’intérêt personnel, au désir, au caprice même de M. Chapleau, un droit quelconque de l’un des membres quelconques des Communes ? Y en avait-il là un seul qui put lutter avec le grand homme sur un pied d’égalité ? N’était-il pas sacré chef ? Or qui, à part lui, pouvait sérieusement réclamer sans conteste un droit indiscutable à ce titre ?




UNE PETITE DIGRESSION À PROPOS DE NOS CHEFS.


I


Il faut bien l’avouer de suite : l’autorité des chefs, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux défini chez nous.

Cartier vivant, tous, même le premier de Québec, acceptaient sa suprématie. Depuis la mort du grand patriote, le sceptre a été plus ou moins disputé. Le jour de ses funérailles, quelques douzaines de membres des deux parlements proclamaient, au St. Laurence Hall, Sir Hector Langevin comme son successeur. Mais la couronne de Sir George était un joyau terriblement pesant ; elle chancela quelque temps sur le front du nouveau Joas. Son étoile[1] pâlit même avec les revers de 1873. De cette date à 1878, nous crûmes avoir, au fédéral, une tétrarchie. Les optimistes disaient une quinquarchie ou même une sexarchie.

  1. Car il convient qu’il en ait une, Chapleau a la sienne tout comme Napoléon, ainsi qu’il a été démontré par la Minerve.