Page:Cazalis - Le Livre du néant, 1872.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




Je n’oublierai jamais, un soir d’été, dans un champ de foire, au fond d’une baraque, devant laquelle s’agitait bruyamment, parmi les lampions fétides, une grosse femme soufflant dans un cornet à piston, un homme à trois jambes, qui, tout souriant et satisfait, montrait pour deux sous sa laideur. Oui, il était fort aise, et il dit ce mot véritable : Cela me fait gagner ma vie ! — Ô étoiles, ô ciel, ô Nature, qu’est-ce donc alors que la vie ?




Pauvre poëte humain, c’est dans l’obscurité d’une cuisine que se préparent ton génie, ta force, les énergies de ton âme, tes vertus et tes vices, ta raison même, si tu en as. Tu doutes : soumets-toi au supplice de la faim, qu’un long jeûne appauvrisse ton sang, et ta pensée bientôt, pareille à ces campagnes dont la sé-