Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/289

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— Ah ! madame, repris-je, le muletier qui m’amène a vu cela comme moi. Il a dansé à la noce. »

Ma mère ordonne qu’on fasse venir le muletier, mais il avait dételé en arrivant, sans demander son salaire.

Cette fuite précipitée, qui ne laissait point de traces, jeta ma mère en quelques soupçons. « Nugnès, dit-elle à un page qui traversait l’appartement, allez dire au vénérable don Quebracuernos que mon fils Alvare et moi l’attendons ici.

» C’est, poursuivit-elle, un docteur de Salamanque ; il a ma confiance et la mérite : vous pouvez lui donner la vôtre. Il y a dans la fin de votre rêve une particularité qui m’embarrasse ; don Quebracuernos connaît les termes, et définira ces choses beaucoup mieux que moi. »

Le vénérable docteur ne se fit pas attendre ; il imposait, même avant de parler, par la gravité de son maintien. Ma mère me fit recommencer devant lui l’aveu sincère de mon étourderie et des suites qu’elle avait eues. Il m’écoutait avec une attention mêlée d’étonnement et sans m’interrompre. Lorsque j’eus achevé, après s’être un peu recueilli, il prit la parole en ces termes :

« Certainement, seigneur Alvare, vous venez d’é-