Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/111

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pour aller jouir en paix du fruit de leurs travaux. Cependant, un valeureux capitaine, nommé Gian d’Urbino, arrêta ce désordre. Alors, pour relever leurs sentinelles, ils furent forcés, à leur grand déplaisir, de suivre un autre chemin, qui avait plus de trois milles, tandis que le premier n’avait qu’un demi-mille. Cet exploit me valut les bonnes grâces de tous les seigneurs qui se trouvaient dans le château. Je l’ai raconté, parce qu’il eut d’importantes conséquences, mais ce sera le dernier, car ces faits sont trop étrangers à la profession en vue de laquelle je me suis mis à écrire. Si je voulais embellir le récit de ma vie de semblables aventures, j’en aurais trop à dire. Je n’en rapporterai plus qu’une seule en temps et lieu.

Je saute donc par-dessus quelques événements, afin de raconter comment le pape Clément me fit appeler et s’enferma avec le Cavalierino et moi, pour mettre en sûreté les tiares et les nombreux et précieux joyaux de la chambre apostolique. Le Cavalierino avait été jadis palefrenier de Filippo Strozzi. Il était Français et de très-vile extraction. Néanmoins il avait su devenir le favori du pape, qui l’avait comblé de richesses, et se fiait à lui comme à soi-même. Lorsque nous fûmes tous trois renfermés, Sa Sainteté et le Cavalierino placèrent devant moi les tiares et toutes les pierreries de la chambre apostolique. Le pape m’ordonna de les démonter, ce que je fis. J’enveloppai ensuite chaque pierre dans un petit morceau de papier, puis nous les cousîmes sous la doublure des vêtements du pape et du Cavalierino. Tout l’or, qui pesait environ deux cents livres, me fut laissé, avec ordre de le fondre le plus secrètement possible.

Je montai à mon poste de l’Angiolo, où se trouvait ma chambre, que je pouvais fermer de façon à éviter d’être dérangé par personne. J’y construisis, en briques, un petit fourneau à vent, au fond duquel j’établis un assez grand