Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/12

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Au seizième siècle l’art grandissait et s’épanouissait splendidement, aux acclamations et aux applaudissements des peuples, sous le glorieux et généreux patronage des Jules II, des Léon X, des Clément VII, des François Ier, des Charles-Quint.

Aujourd’hui l’art étiolé végète, misérablement sustenté par quelques trafiquants, par quelques brocanteurs auxquels l’abandonnent l’indifférence du peuple, l’ignorance de la bourgeoisie et les préoccupations des gouvernants.

Au seizième siècle, de nobles et ardentes rivalités, d’effrayantes et merveilleuses luttes éclataient, pour la plus grande gloire de l’art, dans les temples de Dieu et les palais des rois, des papes et des empereurs, entre ces géants qui s’appelaient Michel-Ange et Raphaël, Titien et Tintoret, Primatice et Rosso, Bandinelli et Benvenuto.

Aujourd’hui, à ces chocs terribles qui enfantaient tant de chefs-d’œuvre, ont succédé des batailles non moins passionnées, non moins acharnées ; mais ces batailles se livrent à la sourdine, dans les antichambres des ministères et dans les boutiques, — non pour glorifier l’art, mais pour vendre le plus avantageusement possible quelque toile ou quelque marbre en dénigrant la marchandise des concurrents.

Pour tout résumer en un mot, au seizième siècle on naissait et on vivait artiste, aujourd’hui on naît et on vit marchand.