Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/26

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qui s’attendait à tout le contraire : aussi puis-je être glorieux d’appartenir à une telle famille.

Maintenant combien j’ai acquis d’honneur à ma maison, je le dirai en temps et lieu[1]. Né dans une humble condition, je suis beaucoup plus fier d’avoir fondé ma maison avec quelque lustre, que si, sorti de haut lignage, je l’eusse souillée et ternie par mes vices. Sur ce, je vais dire comment il plut à Dieu que je vinsse au monde.

Mes ancêtres habitaient le val d’Ambra : ils y avaient de grands biens où, pour échapper aux factions, ils s’étaient retirés et vivaient en petits seigneurs. Tous suivaient la carrière des armes et étaient fort braves. Dans ce temps, un de leurs fils, le plus jeune, nommé Cristofano, eut un furieux démêlé avec certains de leurs voisins et amis. Les chefs de l’une et de l’autre maison s’en étaient mêlés ; mais ayant vu que les choses s’envenimaient au point de donner à craindre que les deux familles ne se détruisissent complètement, les plus âgés décidèrent d’un commun accord que l’on éloignerait Cristofano et l’autre jeune homme, principe de la querelle. Ce dernier fut envoyé par ses parents à Sienne ; les nôtres firent partir Cristofano pour Florence, où ils lui achetèrent une petite maison dans la Via-Chiara, près du monastère de Sant’-Orsola, et de très-bonnes terres au pont Rifredi.

Cristofano prit à Florence une femme qui lui donna plusieurs garçons et plusieurs filles. Celles-ci ayant été dotées, les fils se distribuèrent le reste des biens, à la mort de leur père. Un de ces derniers, nommé Andrea, eut pour lot la maison de la Via-Chiara et quelque autre chose de

  1. Dans le texte on lit : « Ora quanto io m’abbia acquistato qualche onore alla casa mia, li quali a questo nostro vivere di oggi per le cause che si sanno, e per l’arte mia quali non è materia da gran cose, al sua luogo io le dirò. » — Les commentateurs florentins avouent ne pas comprendre le passage souligné. L. L.