Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/54

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cuse d’avoir donné un soufflet qu’il considère comme moins grave qu’un coup de poing. (Dans le Mercato-Nuovo, un soufflet est puni d’une amende de vingt-cinq écus, tandis que pour un coup de poing la peine est presque nulle.) C’est un garçon de talent qui, par son travail, soutient sa pauvre famille. Plût à Dieu qu’il y eût beaucoup de jeunes gens comme lui dans notre ville où ses pareils sont malheureusement trop rares ! » — Parmi mes juges il y avait de vieilles têtes encapuchonnées de la faction de Savonarola, qui, gagnées par les obsessions et les mensonges de mes adversaires, auraient voulu m’envoyer en prison et me frapper de la plus forte peine ; mais le bon Prinzivalle remédia à tout. On ne m’infligea qu’une petite amende de quatre boisseaux de farine, au profit du monastère delle Murate. Les Huit, nous ayant rappelés, m’ordonnèrent d’obéir à leur sentence et de ne pas prononcer un mot, sous peine d’encourir leur disgrâce. Enfin, après une rude mercuriale, ils m’envoyèrent chez le greffier. Je me retirai en murmurant toujours : — « Mais, c’est un soufflet et non pas un coup de poing, » — de sorte que les Huit ne purent s’empêcher d’éclater de rire. Le greffier nous ordonna, de la part du tribunal, de donner caution. Quand je vis que moi seul j’étais condamné à l’amende de quatre mesures de farine, je me crus assassiné. Cependant, j’envoyai chercher, pour me cautionner, un de mes cousins, le chirurgien maestro Annibal, père de messer Librodoro Librodori. Il refusa de venir. Indigné, frémissant de rage, je devins comme un aspic, et j’adoptai un parti désespéré. Ici, on va voir combien nous sommes non-seulement influencés, mais encore violentés par notre étoile. Je suis un peu irascible de ma nature ; aussi le souvenir des grandes obligations que cet Annibal avait à ma famille accrut-il ma colère au point que je fus tout à fait poussé au mal.

J’attendis que les Huit fussent allés dîner : alors, étant