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la petite servante.

l’honneur de sa caste ! Maintenant, il n’y a plus chez les jeunes gens ni amitié, ni retenue, ni dignité, ni religion, ni respect des choses établies ! Comment les dieux tolèrent-ils de semblables désordres ! Mais, du moins, lui, Yotsu, ne souffrirait pas sous son toit pareille injure !

Et du plus loin qu’il put se faire entendre :

— Toi que j’ai cru mon ami, et que maintenant je méprise, tu ne viens pas, je pense, franchir le seuil de ma maison ? Elle n’est ouverte qu’aux honnêtes gens.

— Je viens, au contraire, causer avec toi en ami, Yotsu, et te faire entendre raison, dit Hikusen.

Et en même temps il entrait dans le jardin.

— Hors d’ici ! Berabo ! misérable hinnin, cria Yotsu. Hors d’ici, ou je te fais payer cher ton insolence !

Le chevalet chargé de ses sabres se trouvait à portée ; il y saisit un long tourugi à deux tranchants, et se précipita sur le visiteur.

Hikusen recula d’un pas, ne s’étant guère attendu à une apostrophe aussi virulente. Mais le sang de ses ancêtres coulait dans ses veines ; il n’hésita pas davantage ; tirant son sabre, encore que celui-ci fût plutôt une arme de parade, il se mit vivement en défense.

— Au surplus, dit-il, vidons sur-le-champ cette querelle ; toi mort, Nézumi deviendra libre et m’appartiendra.

— Tu comptes trop vite sur ma mort, jeune audacieux. Appelle à ton aide la science des armes et le secours des dieux, car Yotsu, daïmio de Nagawa, ne fait jamais grâce.

La lutte s’engagea. Elle fut longue, car si Yotsu était vigoureux et exercé depuis sa jeunesse aux rudes combats, Hikusen était plus souple et plus agile ; tous deux avaient déjà reçu quelques blessures sans gravité, lorsqu’une natte au fond s’écarta pour laisser passer le joli visage inquiet de la petite servante, attirée par le bruit insolite ; en voyant cette scène terrifiante, elle ne put retenir un cri, et Hikusen, instinctivement, tourna la tête. Ce fut sa perte ; au même