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contes japonais.

d’œil sur ce précipice profond de cent shaku à peine, mais très escarpé.

Au fond coulait un clair torrent, chantant avec un doux murmure, et un seul arbre, tout droit, un grand pin au feuillage sombre, se dressait du fond de cette vallée, sa tête en dépassant les sommets.

Hanko fit remonter ses regards jusqu’à la cime de cet arbre et aperçut au milieu des branches supérieures, une lourde masse noire et confuse, dont il ne distinguait qu’imparfaitement la forme.

— Enfin, se dit-il, je tiens donc le secret de la forêt. Là sans doute est un trésor, et s’il n’est pas mieux gardé qu’il ne semble, me voici riche !

Et saisissant sa hachette, prêt à toute aventure, il se dressa au bord du ravin, cherchant où la descente serait le plus aisée.

Mais à peine s’était-il montré ainsi qu’un fracas épouvantable se fit entendre au-dessus de sa tête. Avant qu’il ait pu se mettre en garde, un choc le précipita sur le sol, il se sentit soulevé par ses vêtements, et, en rouvrant les yeux, il vit qu’un aigle gigantesque, surnaturel, le tenait entre ses serres, l’emportant vers l’arbre tant convoité un instant auparavant.

Cette masse noire qui intriguait Hanko n’était autre, comme celui-ci put bientôt le constater, que le nid de ce monstrueux animal. L’aigle en effet déposa le malheureux au fond de l’entonnoir fait de branchages et de feuilles, et se percha sur le bord extérieur, le tenant en respect avec son bec robuste et affilé.

Hanko se crut déjà mort. Son arme lui avait échappé, et il ne pouvait songer à lutter contre ce terrible oiseau, qui allait le déchirer en quelques instants. Or, quelle ne fut pas sa surprise, quand il entendit l’aigle lui adresser la parole, en fort compréhensible langage :

— Brigand, disait-il, que viens-tu faire dans mon domaine ? Sais-tu que cette imprudence va te coûter la vie ?