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contes japonais.

III

Dès ce jour, l’abondance vint à la maison, bien qu’on n’y travaillât plus. Hanko et ses enfants se parèrent de belles étoffes, mangèrent de fins morceaux ; l’ex-intendant, redevenu à son aise, ne manqua pas de rudoyer ceux qui l’entouraient et de leur témoigner en toutes façons son mépris ; aussi, de peu estimé qu’il était, il devint haï. Gamawuki était un peu trop insouciante et coquette, Yabura trop fière pour qu’on revînt sur cette impression, malgré leur grâce et leur beauté.

Malheureusement pour lui, Hanko était joueur, nous l’avons dit. Quand il eut limé sans ménagements le contenu du coffre, il craignit de voir bientôt le fond, et il voulut augmenter ses ressources en tentant le sort. En fort peu de temps ce fut fini, et Hanko redevint vite le pauvre Hanko, avec cette circonstance aggravante qu’il avait perdu en même temps son or, le goût et l’habitude du travail, et l’appui de ses voisins.

Lors donc qu’un beau matin, Hanko se vit sans une poignée de riz, il songea pour la première fois à sa fille qui le laissait sans nouvelles, et à son gendre, aigle ou prince, qui faisait de si beaux cadeaux.

— Bah ! se dit-il, à quoi sert d’avoir un gendre, si l’on ne peut lui emprunter les quelques sen nécessaires pour tenter à nouveau la chance dans de meilleures conditions ? En tous cas, si je rencontre l’aigle, il ne me mangera pas ! On ne mange pas son beau-père !

Et bravement, sans même emporter une arme, il se mit sous le bois à la recherche de ce ravin où il avait eu si peur, et où il devait, pensait-il, retrouver la douce Shiya.

Mais la recherche n’était pas facile ; le fourré était inextricable, les hautes futaies cachaient le ciel, aucun point de repère ne guidait le pauvre homme, qui ne se reconnaissait pas dans cette forêt enchantée dont le nom semblait bien mérité. La nuit venant tout