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contes japonais.

divinité inférieure, qui pourrait lui faire un mauvais parti, ou lui imposer à vil prix cette transaction sur laquelle il établissait son rêve de fortune.

Mais il n’eut pas beaucoup à chercher. À peine eut-il crié plusieurs fois et à haute voix : « Dragon, maître de la forêt, Hanko, ton serviteur, t’appelle » que la terrible bête s’élança à travers les arbres, et vint à lui la gueule ouverte, les griffes en avant, au milieu du feu et du soufre. L’apparition fut si prompte et si effrayante, que Hanko en resta muet, la gorge serrée, perdant ce beau sang-froid qu’il avait en préludant à sa mauvaise action.


La terrible bête s’élança.

— Insensé ! dit le dragon. Qui es-tu pour m’appeler ainsi et me provoquer ?

Hanko hésita. Il avait honte maintenant de formuler son projet. Il prit un biais.

— Je suis un malheureux père qui cherche ses deux filles, données bien malgré lui à un aigle et à un poisson de cette forêt.

— Je les connais, répondit le dragon, d’un ton adouci, ce sont des femmes honnêtes, jolies, dévouées à leurs maris.

— Eh ! oui, seigneur, soupira hypocritement Hanko, bien honnêtes, bien dévouées, bien jolies ! Mais que sont-elles en comparaison de leur sœur cadette ?

— Comment, s’écria le dragon, mis en éveil, tu as encore une fille et tu ne me le disais pas ! Je la prends pour épouse.

— Mais…

— Ou tu ne sortiras pas vivant de cette forêt.

— Je suis ravi, puissant prince, positivement ravi, honoré. Mais… pardonnez ma requête. Je suis pauvre, et le seigneur aigle, ainsi que le seigneur poisson, à qui j’ai donné mes filles aînées, les avaient achetées avec des présents considérables.

— N’est-ce que cela ? dit le dragon avec dédain. Ce qu’ils t’ont donné, misérable berabo, est une goutte d’eau auprès de ce que je paierai, moi, l’alliance que je te propose. Écoute-moi bien. Ta fille