Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/11

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port, car c’était le temps du chargement des flottes. Il y avait sur le fleuve six galères, dont la vue les fit soupirer, et craindre même le jour où leurs fautes les y feraient prendre domicile pour le reste de leur vie. Ils aperçurent aussi les nombreux portefaix qui allaient et venaient dans ces parages. Ils s’informèrent auprès de l’un d’eux de ce qu’était ce métier, si l’on y avait beaucoup de travail, et ce qu’on y pouvait gagner. Un portefaix asturien, auquel ils adressaient ces questions, leur répondit que le métier était fort doux, qu’on n’y avait point à payer de gabelle, que souvent il s’en tirait, au bout de la journée, avec cinq ou six réaux de profit, qu’avec cela il mangeait, buvait, s’amusait comme un roi, sans avoir besoin de chercher un maître à qui donner des garanties, et sûr de dîner quand il lui plaisait, car on trouvait à manger à toute heure dans le plus chétif cabaret de toute la ville, où il y en a tant et de si bons. La relation de l’Asturien ne déplut pas aux deux amis, ni le métier non plus, car il leur sembla que ce métier leur allait comme au moule pour pouvoir se livrer au leur en toute sécurité, à cause des facilités qu’il offrait d’entrer dans toutes les maisons. Ils résolurent aussitôt d’acheter les ustensiles nécessaires à l’exercice du métier, puisqu’ils pouvaient l’exercer sans examen. Ils demandèrent à l’Asturien ce qu’il fallait acheter. L’autre répondit qu’il leur suffisait d’avoir chacun un sac de toile, petit et propre, et trois cabas ou paniers de jonc, deux grands et un petit, pour y répartir la viande, le poisson et les fruits, tandis qu’on mettait le pain dans le sac. Il les conduisit où se vendaient ces objets, et de l’argent qu’a-