Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le portefaix, prenant un peu les devants, entra dans une maison, non des plus somptueuses, mais, au contraire, de fort mauvaise apparence. Les deux amis restèrent à la porte en attendant. L’autre revint bientôt, les appela et les introduisit. Leur guide les fit attendre encore dans une petite cour[1] carrelée en briques, si propre, si bien frottée, qu’elle semblait enduite du carmin le plus pur. D’un côté, était un banc à trois jambes ; en face, une cruche ébréchée avec un pot dessus, en aussi bon état que la cruche ; d’un autre côté, était jetée une natte de jonc, et, au milieu, se dressait un pot de basilic. Les nouveaux venus examinaient attentivement le mobilier de la maison pendant que le seigneur Monipodio descendait à leur rencontre. Voyant qu’il tardait à venir, Rincon se risqua à entrer dans l’une des deux petites salles basses qui donnaient sur la cour. Il y vit deux fleurets et deux boucliers de liége, pendus à quatre clous, un grand coffre, sans couvercle ni rien qui le bouchât, et trois autres nattes de jonc étendues par terre. Sur la muraille en face, était collée une image de Notre-Dame, de ces grossières estampes ; un peu au-dessous, était suspendu un petit panier de paille, à côté d’une cuvette de faïence enchâssée dans le mur. Rincon en inféra que le panier servait de tronc pour les aumônes, et la cuvette de bénitier ; ce qui était vrai.

Sur ces entrefaites, entrèrent dans la maison deux jeunes gens d’une vingtaine d’années, vêtus en étudiants ; un peu après, deux portefaix et un aveugle,

  1. Patio, c’est la cour carrée qui forme le centre des maisons à Séville, et qui sert de salon d’été.