Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et profonde révérence, à l’exception pourtant des deux braves, qui soulevèrent seulement un coin de leurs grands chapeaux, et continuèrent à se promener. Monipodio se promenait aussi d’un bout à l’autre de la cour ; et, tout en marchant, il questionna les nouveaux venus sur leur métier, leur pays et leurs parents. À cela Rincon répondit : « Le métier, c’est déjà dit, puisque nous paraissons devant votre grâce ; quant au pays, il ne me semble pas très-important de le déclarer, ni les parents non plus, puisqu’il ne s’agit pas de faire une enquête pour prendre l’habit dans quelque ordre noble. — Vous, mon fils, répondit Monipodio, vous êtes dans le sûr et dans le vrai ; c’est une chose fort sensée de cacher ce que vous dites, car si la chance tournait autrement qu’elle ne doit, il n’est pas bon qu’on laisse inscrit sous paraphe de greffier et sur le livre des entrées : un tel, fils d’un tel, habitant de tel endroit, fut pendu tel jour, ou fouetté, ou autre chose semblable, qui pour le moins sonne mal aux oreilles délicates. Je répète donc qu’il est d’un usage profitable de taire son pays, de cacher sa naissance, et de changer son nom propre. Entre nous, cependant, il ne doit rien y avoir de caché, et, pour le moment, je ne veux savoir que vos noms à tous deux. » Rincon dit le sien, et Cortado fit de même. « Eh bien, dorénavant, reprit Monipodio, je veux et ma volonté est que vous, Rincon, vous vous appeliez Rinconète, et vous, Cortado, Cortadillo. Ce sont des noms qui vont à merveille à votre âge et à nos règlements, lesquels obligent à savoir le nom des parents de nos confrères. En effet, nous avons coutume de faire dire chaque année