Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/25

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un certain nombre de messes pour le repos de l’âme de nos défunts et de nos bienfaiteurs, en prélevant pour le casuel du prêtre qui les dit une certaine partie de ce qui est garbé[1]. Ces messes, ainsi dites et ainsi payées, font, dit-on, grand bien à ces âmes, par voie de naufrage. Sous le nom de nos bienfaiteurs, nous comprenons le procureur qui nous assiste, l’alguazil qui nous avertit, le bourreau qui prend pitié de nous, celui, enfin, qui, lorsque l’un de nous se sauve dans la rue, et qu’on le poursuit en criant au voleur, au voleur ! arrêtez, arrêtez ! se jette en travers et retient la foule qui se précipite aux trousses du fuyard, en disant : « Laissez ce pauvre diable, il est assez malheureux ; qu’il aille en paix et que son péché le punisse. » Nous comptons aussi pour bienfaitrices les entretenues qui nous entretiennent dans la trena ou dans les guras[2], et de même nos pères et mères qui nous mettent au monde, et enfin le greffier ; car, s’il est de bonne composition, il n’y a pas de crime qui ne soit faute, ni de faute qui soit bien punie. C’est pour tous ceux que je viens de nommer que notre confrérie fait chaque année son adversaire, avec le plus de poupe et de solitude[3] que nous pouvons.

« — Assurément, reprit Rinconète, déjà baptisé et confirmé de ce nom, c’est là une œuvre digne du très-haut et très-profond esprit qu’à ce que nous avons ouï dire, seigneur Monipodio, votre grâce pos-

  1. Volé.
  2. La prison ou les galères.
  3. En espagnol, soledad ressemble plus à solemnidad que solitude à solennité.