Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/37

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trine noire et meurtrie. Elles lui jetèrent de l’eau au visage, et la pauvre fille revint à elle en s’écriant : « Que la justice de Dieu et du roi tombe sur ce voleur effronté, sur ce lâche filou, sur ce coquin pouilleux, que j’ai sauvé plus de fois de la potence qu’il n’a de poils dans la barbe ! Malheureuse que je suis ! voyez un peu pour qui j’ai perdu ma jeunesse et gâté la fleur de mes années, si ce n’est pour un vaurien dénaturé, scélérat et incorrigible. — Calme-toi, Cariharta, dit alors Monipodio, je suis ici pour te rendre justice. Conte-nous ton grief. Tu mettras plus de temps à le dire, que moi à t’en venger. Dis-moi, est-ce que tu as eu quelque démêlé avec ton porte-respect ? si cela est, et que tu veuilles une bonne vengeance, tu n’as qu’à ouvrir la bouche. — Quel porte-respect ? répondit Juliana. J’aimerais mieux me voir respectée dans les enfers, que de l’être de ce lion avec les brebis, de cet agneau avec les hommes. Est-ce que je voudrais plus longtemps manger avec lui pain sur nappe et coucher au même nid ? Ah bien oui ! je verrais plutôt manger du loup ces chairs qu’il m’a mises en l’état que vous allez voir. » Et retroussant aussitôt ses jupes jusqu’au genou, et même un peu plus haut, elle se fit voir toute couverte de boue et de meurtrissures. « Voilà, continua-t-elle, comment m’a arrangée cet ingrat de Repolido[1], qui m’a plus d’obligations qu’à la mère qui l’a mis au monde. Et pourquoi pensez-vous qu’il l’a fait ? Est-ce que je lui en ai donné le motif ? Non vraiment. Il l’a fait, parce qu’étant à jouer et à perdre, il m’envoya demander par Cabrillas,

  1. Pomponné, requinqué.