Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1836, tome 1.djvu/268

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devait être bien né, et tout au moins vieux chrétien[1]. Son affliction attendrit quelque peu son maître, mais pas assez pour qu’il montrât la moindre faiblesse. Au contraire, dissimulant du mieux qu’il put, il s’achemina sans retard du côté d’où lui semblait venir le bruit continuel de l’eau et des coups.

Sancho le suivait à pied, selon sa coutume, menant par le licou son âne, éternel compagnon de sa bonne et mauvaise fortune. Quand ils eurent marché quelque temps sous le feuillage de ces sombres châtaigniers, ils arrivèrent dans une petite prairie, au pied de quelques roches élevées, d’où tombait avec grand bruit une belle chute d’eau. Au bas de ces roches étaient quelques mauvaises baraques, plus semblables à des ruines qu’à des maisons, du milieu desquelles ils s’aperçurent que partait le bruit de ces coups redoublés qui continuaient toujours. Rossinante s’effraya du bruit que faisaient les coups et la chute de l’eau. Mais Don Quichotte, après l’avoir calmé de la voix et de la main, s’approcha peu

  1. On appelle vieux chrétiens, en Espagne, ceux qui ne comptent parmi leurs ancêtres ni Juifs ni Mores convertis.