Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1836, tome 1.djvu/75

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soumise : « Je suis le géant Caraculiambro, seigneur de l’île Malindrania, qu’a vaincu en combat singulier le jamais dignement loué chevalier Don Quichotte de la Manche, lequel m’a ordonné de me présenter devant votre grâce, pour que votre grandeur dispose de moi tout à son aise ? » Oh ! combien se réjouit notre bon chevalier quand il eut fait ce discours, et surtout quand il eut trouvé à qui donner le nom de sa dame ! Ce fut, à ce que l’on croit, une jeune paysanne de bonne mine, qui demeurait dans un village voisin du sien, et dont il avait été quelque temps amoureux, bien que la belle n’en eût jamais rien su, et ne s’en fût pas souciée davantage. Elle s’appelait Aldonza Lorenzo, et ce fut à elle qu’il lui sembla bon d’accorder le titre de dame suzeraine de ses pensées. Lui cherchant alors un nom qui ne s’écartât pas trop du sien, qui sentît et représentât la grande dame et la princesse, il vint à l’appeler Dulcinée du Toboso, parce qu’elle était native de ce village ; nom harmonieux à son avis, rare et distingué, et non moins expressif que tous ceux qu’il avait donnés à son équipage et à lui-même.