Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1837, tome 2.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Car il faut que vous sachiez une chose, c’est que, tout homme que je paraisse, je ne suis qu’une bête pour être de l’église. — Eh bien ! en vérité, votre grâce a tort, reprit l’écuyer du Bocage, car les gouvernements insulaires ne sont pas tous de bonne pâte. Il y en a de pauvres, il y en a de mélancoliques, il y en a qui vont tout de travers, et le mieux bâti, le plus pimpant de tous, traîne une pesante charge d’incommodités et de soucis, que prend sur ses épaules le malheureux auquel il tombe en partage. Il vaudrait mille fois mieux vraiment que nous autres, qui faisons ce maudit métier de servir, nous retournassions chez nous pour y passer le temps à des exercices plus doux, comme qui dirait la chasse ou la pêche ; car enfin, quel écuyer si pauvre y a-t-il au monde qui manque d’un bidet, d’une paire de lévriers et d’une ligne à pêcher pour se divertir dans son village ? — À moi, rien de tout cela ne manque, répondit Sancho. Il est vrai pourtant que je n’ai pas de bidet, mais j’ai un âne qui vaut deux fois mieux que le cheval de mon maître. Que Dieu me donne mauvaise Pâque, fût-ce la plus prochaine, si je changeais mon