Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1837, tome 2.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rage est prêt à se mettre à votre service. — Le cas est, reprit la Doloride, que, d’ici au royaume de Candaya, si l’on va par terre, il y a cinq mille lieues, à deux de plus ou de moins. Mais, si l’on va par les airs, et en ligne droite, il n’y en a que trois mille deux cent vingt-sept. Il faut savoir également que Malambruno me dit qu’à l’instant où le sort me ferait rencontrer le chevalier notre libérateur, il lui enverrait une monture, un peu meilleure et moins rétive que les bêtes de retour, car ce doit être ce même cheval de bois sur lequel le vaillant Pierre de Provence enleva la jolie Magalone[1]. Ce cheval se dirige au moyen d’une cheville qu’il a dans le front et qui lui sert de mors, et il vole à travers les airs avec une telle rapidité, qu’on dirait que les diables l’emportent. Ce dit cheval, sui-

  1. Cervantès a pris l’idée de son cheval de bois dans l’Histoire de la jolie Magalone, fille du roi de Naples, et de Pierre, fils du comte de Provence, roman chevaleresque, imprimé à Séville en 1533. Le docteur John Bowle fait remarquer, dans ses Annotations sur le Don Quichotte, que le vieux Chaucer, l’Ennius des poëtes anglais, mort en 1400, parle d’un cheval semblable à celui-ci, qui appartenait à Cambuscan, roi de Tartarie ; il volait dans les airs et se dirigeait au moyen d’une cheville qu’il avait dans l’oreille. Seulement le cheval de Cambuscan était de bronze.