Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/161

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Seul, je vivrai pour elle, et mon ame empressée
Épîra ses désirs, ses besoins, sa pensée.
C’est moi qui ferai tout ; moi, qui de ses cheveux
Sur sa tête le soir assemblerai les noeuds.
Par moi, de ses atours à loisir dépouillée, "
Chaque jour par mes mains la plume amoncelée
La recevra charmante ; et mon heureux amour
Détruira chaque nuit cet ouvrage du jour.
Sa table par mes mains sera prête et choisie,
L’eau pure, de ma main lui sera l’ambrosie.
Seul, c’est moi qui serai partout, à tout moment,
Son esclave fidèle et son fidèle amant.
Tels étaient mes projets, qu’insensés et volages
Le vent a dissipés parmi de vains nuages !

Ah ! quand d’un long espoir on flatta ses désirs,
On n’y renonce point sans peine et sans soupirs.
Que de fois je t’ai dit : « Garde d’être inconstante,
» Le monde entier déteste une parjure amante.
» Fais-moi plutôt gémir sous des glaives sanglans,
» Avec le feu plutôt déchire-moi les flancs. »
Ô honte ! À deux genoux j’exprimais ces alarmes ;
J’allais couvrant tes pieds de baisers et de larmes.
Tu me priais alors de cesser de pleurer :
En foule tes sermens venaient me rassurer.
Mes craintes t’offensaient ; tu n’étais pas de celles
Qui font jeu de courir à des flammes nouvelles :
Mille sceptres offerts pour ébranler ta foi
Eût-ce été rien au prix du bonheur d’être à moi P
Avec de tels discours, ah ! tu m’aurais fait croire