Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/191

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ÉLÉGIE XL,


AUX DEUX FRÈRES TRUDAINE.


Amis, couple chéri, cœurs formés pour le mien,
Je suis libre. Camille à mes yeux n’est plus rien.
L’éclat de ses yeux noirs n’éblouit plus ma vue ;
Mais cette liberté sera bientôt perdue.
Je me connais. Toujours je suis libre et je sers ;
Être libre pour moi n’est que changer de fers.
Autant que l’univers a de beautés brillantes,
Autant il a d’objets de mes flammes errantes.
Mes amis, sais-je voir d’un œil indifférent
Ou l’or des blonds cheveux sur l’albâtre courant,
Ou d’un flanc délicat l’élégante noblesse,
Ou d’un luxe poli h savante richesse ?
Sais-je persuader à rues rêves flatteurs
Que les yeux les plus doux peuvent être menteurs ?
Qu’une bouche où la rose, où le baiser respire
Peut cacher un serpent à l’ombre d’un sourire ?
Que sous les beaux contours d’un sein délicieux,
Peut habiter un cœur faux, parjure, odieux ?
Peu fait à soupçonner le mal qu’on dissimule,