Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/193

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Prodiguant à ses fils ce trésor indulgent,
À pas lents agiter sa cloche au son d’argent,
promener près des eaux sa tête nonchalante,
Ou de son large flanc presser l’herbe odorante.
Le soir, lorsque plus loin s’étend l’ombre des monts,
Ma conque rappelant mes troupeaux vagabonds,
Leur chanterait cet air si doux à ces campagnes ;
Cet air que d’Appenzel répètent les montagnes.

Si septembre, cédant au long mois qui le suit,
Marquait de froids zéphyrs l’approche de la nuit. ;
Dans ses flancs colorés une luisante argille
Garderait sous mon toit un feu lent et tranquille,
Ou brûlant sur la cendre à la fuite du jour,
Un mélèze odorant attendrait mon retour.
Une rustique épouse et soigneuse et zélée,
Blanche (car sous l’ombrage au sein de la vallée
Les fureurs du soleil n’osent les outrager),
M’offrirait le doux miel, les fruits de mou verger,
Le lait enfant des sels de ma prairie humide,
Tantôt breuvage pur, et tantôt mets solide
En un globe fondant sous ses mains épaissi,
En disque savoureux à la longue durci ;
Et cependant sa voix simple et douce et légère
Me chanterait les airs que lui chantait sa mère :

Hélas ! aux lieux amers où je suis enchaîné
Ce repos à mes jours ne fut point destiné.
J’irai : je veux jamais ne revoir Ce rivage.
Je veux, accompagné de ma nuise sauvage,
Revoir le Rhin tomber en des gouffres profonds,