Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/214

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Il s’endort si quelqu’un ne pleure quand il rit.
Mais qu’Horace et sa troupe, irascible d’esprit,
Daignent me pardonner, si jamais ils pardonnent :
J’estime peu cet art ; ces leçons qu’ils nous donnent,
D’immoler bien un sot, qui jure en son chagrin,
Au rire âcre et perçant d’un caprice malin.
Le malheureux déjà me semble assez à plaindre
D’avoir, même avant lui, vu sa gloire s’éteindre,
Et son livre au tombeau lui montrer le chemin ;
Sans aller, sous la terre au trop fertile sein,
Semant sa renommée et ses tristes merveilles,
Faire à tous les roseaux chanter quelles oreilles
Sur sa tête ont dressé leurs sommets et leurs poids.

Autres sont mes plaisirs. Soit, comme je le crois,
Que d’une débonnaire et généreuse argile
On ait pétri mon ame innocente et facile ;
Soit, comme ici, d’un œil caustique et médisant,
En secouant le front, dira quelque plaisant,
Que le ciel, moins propice, enviât à ma plume
D’un sel ingénieux la piquante amertume,
J’en profite à ma gloire, et je viens devant toi
Mépriser les raisins qui sont trop haut pour moi.
Aux reproches sanglans d’un vers noble et sévère
Ce pays toutefois offre une ample matière
Soldats tyrans du peuple obscur et gémissant,
Et juges endormis aux cris de l’innocent ;
Ministres oppresseurs dont la main détestable
Plonge au fond des cachots la vertu redoutable.
Mais, loin qu’ils aient senti la fureur de nos vers,