Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/153

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Ému d’un peu d’orgueil, de joie et de pudeur.
Les deux mains de la nymphe errent à l’aventure.
L’une, de son front blanc, va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L’autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
« Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle.
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi.
Dis, quel âge, mon fils, s’est écoulé pour toi ?
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire ?
Aujourd’hui, m’a-t-on dit, tes compagnons de gloire,
Trop heureux ! te pressaient entre leurs bras glissants,
Et l’olive a coulé sur tes membres luisants.
Tu baisses tes yeux noirs ? Bienheureuse la mère
Qui t’a formé si beau, qui l’a nourri pour plaire.
Sans doute elle est déesse. Eh quoi ! ton jeune sein
Tremble et s’élève ? Enfant, tiens, porte ici ta main.
Le mien plus arrondi s’élève davantage.
Ce n’est pas (le sais-tu ? déjà dans le bocage
Quelque voile de nymphe est-il tombé pour toi ?)
Ce n’est pas cela seul qui diffère chez moi.
Tu souris ? tu rougis ? Que ta joue est brillante !
Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente l
N’es-tu pas Hyacinthe au blond Phébus si cher ?
Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter ?
Ou celui qui, naissant pour plus d’une immortelle,
Entr’ouvrit de Myrrha l’écorce maternelle ?
Ami, qui que tu sois, oh ! tes yeux sont charmants,
Bel enfant, aime-moi. Mon cœur de mille amants
Rejeta mille fois la poursuite enflammée ;
Mais toi seul, aime-moi, j’ai besoin d’être aimée.