Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/177

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Qui dort, et sur sa main, au murmure des eaux,
Laisse tomber son front couronné de roseaux.


XXVIII[1]

PASIPHAÉ


Tu gémis sur l’Ida, mourante, échevelée,
Ô reine ! ô de Minos épouse désolée !
Heureuse si jamais, dans ses riches travaux,
Cérès n’eût pour le joug élevé des troupeaux !
Certe, aux antres d’Amnise, assez votre Lucine[2]
Donnait de beaux neveux aux mères de Gortyne ;
Certes, vous élevez, aux gymnases crétois,
D’autres jeunes troupeaux plus dignes de ton choix[3].
Tu voles épier sous quelle yeuse obscure,
Tranquille, il ruminait son antique pâture ;
Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants ;
Quelle onde a ranimé l’albâtre de ses flancs.
Ô nymphes, entourez, fermez, nymphes de Crète,
De ces vallons, fermez, entourez la retraite.
Oh ! craignez que vers lui des vestiges épars
Ne viennent à guider ses pas et ses regards.
Insensée, à travers ronces, forêts, montagnes.
Elle court. Ô fureur ! dans les vertes campagnes,

  1. Édition 1819. Le titre a été mis par le premier éditeur.
  2. Amnise, fleuve de Crète où est l’antre de Lucine. Voy. Homère, Odyssée, liyre XIII, 188. — C’est liv. XIX, v. 188, collection Didot, — et Meursius, Crit. liv. I, ch. vi. (Note d’André Chénier.)
  3. Les troupes de jeunes gens, en Crète, s’appelaient ἀγέλη, et le chef ἀγελήτης. Comme à Lacédémone βοῦοαι et le chef βούαγορ. — Voy. Meursius, Crit., liv. II, ch. 11, et Miscellan. Lacon., liv. II, ch. 3, et Vaiken, In Adon., p. 274. (Note d’André Chénier.)