Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/267

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Son sein a le duvet de ce fruit que je touche ;
Cette rose au matin sourit comme sa bouche ;
Le miel qu’ici l’abeille eut soin de déposer,
Ne vaut pas à mon cœur le miel de son baiser.
Tout pour elle a des vers ! Ils me viennent sans peine
Doux comme son parler, doux comme son haleine.
Quoi qu’elle fasse ou dise, un mot, un geste heureux
Demande un gros volume à mes vers amoureux.
D’un souris caressant si son regard m’attire,
Mon vers plus caressant va bientôt lui sourire.
Si la gaze la couvre, et le lin pur et fin
Mollement, sans apprêt ; et la gaze et le lin
D’une molle chanson attend une couronne.
D’un luxe étudié si l’éclat l’environne,
Dans mes vers éclatants sa superbe beauté
Vient ravir à Junon toute sa majesté.
Tantôt, c’est sa blancheur, sa chevelure noire ;
De ses bras, de ses mains le transparent ivoire.
Mais si jamais sans voile, et les cheveux épars,
Elle a rassasié ma flamme et mes regards,
Elle me fait chanter amoureuse Ménade,
Des combats de Paphos une longue Iliade ;
Et si de mes projets le vol s’est abaissé,
À la lyre d’Homère ils n’ont point renoncé.
Mais en la dépouillant de ses cordes guerrières,
Ma main n’a su garder que les cordes moins fières
Qui chantèrent Hélène et les joyeux larcins,
Et l’heureuse Corcyre amante des festins.
Mes chansons à Camille ont été séduisantes.
Heureux qui peut trouver des Muses complaisantes,
Dont la voix sollicite et mène à ses désirs