Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son œil ne vit jamais de bouche lui sourire ;
Jamais, dans les revers qu’il ose déclarer,
De doux regards sur lui s’attendrir et pleurer.
Ô de se confier noble et douce habitude !
Non, mon cœur n’est point né pour vivre en solitude :
Il me faut qui m’estime, il me faut des amis
À qui dans mes secrets tout accès soit permis ;
Dont les yeux, dont la main dans la mienne pressée,
Réponde à mon silence, et sente ma pensée.
Ah ! si pour moi jamais tout cœur était fermé,
Si nul ne songe à moi, si je ne suis aimé…
Vivre importun, proscrit, flatte peu mon envie.
Et quels sont ses plaisirs, que fait-il de la vie,
Le malheureux qui, seul, exclus de tout lien,
Ne connaît pas un cœur on reposer le sien ;
Une âme où dans ses maux comme en un saint asile,
Il puisse fuir la sienne et se rasseoir tranquille ;
Pour qui nul n’a de vœux, qui jamais dans ses pleurs
Ne peut se dire : « Allons, je sais que mes douleurs
Tourmentent mes amis, et quoiqu’en mon absence,
Ils accusent mon sort et prennent ma défense. »


XIII[1]


IMITÉ DE LA XVIe IDYLLE DE BION


Bel astre de Vénus, de son front délicat
Puisque Diane encor voile le doux éclat,
Jusques à ce tilleul, au pied de la colline,

  1. Édition 1819.