Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Prête à mes pas secrets ta lumière divine.
Je ne vais point tenter de nocturnes larcins,
Ni tendre aux voyageurs des pièges assassins.
J’aime : je vais trouver des ardeurs mutuelles,
Une nymphe adorée, et belle entre les belles,
Comme, parmi les feux que Diane conduit,
Brillent tes feux si purs, ornement de la nuit.


XIV[1]


 
Ô Muses, accourez ; solitaires divines,
Amantes des ruisseaux, des grottes, des collines !
Soit qu’en ses beaux vallons Nîme égare vos pas ;
Soit que de doux pensers, en de riants climats,
Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne ;
Soit que parmi les chœurs de ces nymphes du Rhône
La lune, sur les prés où son flambeau vous luit,
Dansantes vous admire au retour de la nuit ;
Venez. J’ai fui la ville aux Muses si contraire,
Et l’écho fatigué des clameurs du vulgaire.
Sur les pavés poudreux d’un bruyant carrefour
Les poétiques fleurs n’ont jamais vu le jour.
Le tumulte et les cris font fuir avec la lyre
L’oisive rêverie au suave délire ;
Et les rapides chars et leurs cercles d’airain
Effarouchent les vers, qui se taisent soudain.
Venez. Que vos bontés ne me soient point avares.
Mais, oh ! faisant de vous mes pénates, mes lares,
Quand pourrai-je habiter un champ qui soit à moi !

  1. Édition 1819.