Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/309

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Leurs plaisirs sont bien doux et douces sont leurs peines[1] ;
S’ils n’ont point ces trésors que l’on nomme des biens,
Ils ont les soins touchants, les secrets entretiens ;
Des regards, des soupirs la voix tendre et divine,
Et des mots caressants la mollesse enfantine.
Auprès d’eux tout est beau, tout pour eux s’attendrit.
Le ciel rit à la terre, et la terre fleurit.
Aréthuse serpente et plus pure et plus belle ;
Une douleur plus tendre anime Philomèle.
Flore embaume les airs : ils n’ont que de beaux cieux.
Aux plus arides bords Tempé rit à leurs yeux.
À leurs yeux tout est pur comme leur âme est pure ;
Leur asile est plus beau que toute la nature.
La grotte, favorable à leurs embrassements,
D’âge en âge est un temple honoré des amants.
Ô rives du Pénée, antres, vallons, prairies,
Lieux qu’amour a peuplés d’antiques rêveries ;
Vous bosquets d’Anio, vous ombrages fleuris,
Dont l’épaisseur fut chère aux nymphes du Lyris ;

  1. Variante de l’édition de G. de Chénier :

    Leurs plaisirs sont bien doux, et douces sont leurs peines.
    L’astre de la nature, et Pomone, et Paies,
    Et l’azur d’Amphitrite, et la blonde Cérès,
    Portent jusqu’à leur âme et délicate et tendre
    Une voix, des accents qu’eux seuls savent entendre.
    Tout d’une joie aimable anime leurs couleurs ;
    Dans leurs yeux languissants tout fait naître des pleurs.
    Tout ne parle autour d’eux que d’aimer et de plaire.
    Tout est formé pour eux dans la nature entière.
    Où se portent leurs pas........
    Le ciel rit à la terre et la terre fleurit,
    Aréthuse serpente et plus pure et plus belle ;
    Une douleur plus tendre anime Philomèle ;
    Flore embaume les airs d’une plus douce odeur.
    Et son amant soupire avec plus de douceur.