Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/31

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que les enfants sont plus excusables que les hommes faits : Illi enim simulacre homines putant esse, hi Deos[1]. »

Ce second chant devait renfermer, du ton lugubre d’un Pline l’Ancien, le tableau des premières misères, des égarements et des anarchies de l’humanité commençante. Les déluges, qu’il s’était d’abord proposé de mettre dans le premier chant, auraient sans doute mieux trouvé leur cadre dans celui-ci :

« Peindre les différents déluges qui détruisirent tout… La mer Caspienne, lac Aral et mer Noire réunis… l’éruption par l’Hellespont… Les hommes se sauvèrent au sommet des montagnes :

Et vetus inventa est in montibus anchora summis.

(Ovide, Met., liv. XV.)

La ville d’Ancyre fut fondée sur une montagne où l’on trouva une ancre. » Il voulait peindre les autels de pierre, alors posés au bord de la mer, et qui se trouvent aujourd’hui au-dessous de son niveau, les mem-

  1. Car ils ne prennent ces images que pour des hommes, et les autres les prennent pour des Dieux. — L’opposition entre ces pensées d’André et celles que nous ont laissées Vauvenargues ou Pascal, s’offre naturellement à l’esprit ; lui-même il n’est pas sans y avoir songé, et sans s’être posé l’objection. Je trouve cette note encore : « Mais quoi ? tant de grands hommes ont cru tout cela… Avez-vous plus d’esprit, de sens, de savoir ?… Non ; mais voici une source d’erreur bien ordinaire : beaucoup d’hommes, invinciblement attachés aux préjugés de leur enfance, mettent leur gloire, leur piété, à prouver aux autres un système avant de se le prouver à eux-mêmes. Ils disent : Ce système, je ne veux point l’examiner pour moi. Il est vrai, il est incontestable, et, de manière ou d’autre, il faut que je le