Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/32

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bres des grands animaux primitifs errant au gré des ondes, et leurs os, déposés en amas immenses sur les côtes des continents. Il ne voyait dans les pagodes souterraines, d’après le voyageur Sonnerat, que les habitacles des Septentrionaux qui arrivaient dans le midi et fuyaient, sous terre, les fureurs du soleil. Il eût expliqué, par quelque chose d’analogue peut-être, la base impie de la religion des Éthiopiens et le vœu présumé de son fondateur :

Il croit (aveugle erreur !) que de l’ingratitude
Un peuple tout entier peut se faire une étude,
L’établir pour son culte, et de Dieux bienfaisants
Blasphémer de concert les augustes présents.

À ces époques de tâtonnements et de délires, avant la vraie civilisation trouvée, que de vies humaines en pure perte dépensées ! « Que de générations, l’une sur l’autre entassées, dont l’amas

Sur les temps écoulés invisible et flottant
À tracé dans cette onde un sillon d’un instant ! »

    démontre. — Alors, plus ils ont d’esprit, de pénétration, de savoir, plus ils sont habiles à se faire illusion, à inventer, à unir, à colorer les sophismes, à tordre et à défigurer tous les faits pour en étayer leur échafaudage… Et pour ne citer qu’un exemple et un grand exemple, il est bien clair que, dans tout ce qui regarde la métaphysique et la religion, Pascal n’a jamais suivi une autre méthode. » Cela est beaucoup moins clair pour nous aujourd’hui que pour André, qui ne voyait Pascal que dans l’atmosphère d’alors, et, pour ainsi dire, à travers Condorcet. — Dans les fragments de mémoires manuscrits de Chènédollé, qui avait beaucoup vécu avec des amis de notre poète, je trouve cette note isolée et sans autre explication : « André Chénier était athée avec délices. »

    M. Gabriel de Chénier combat vivement cette allégation de Chènédollé. L. M.