Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/362

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Un fleuve, à pas secrets, des campagnes d’Élide,
Seul, au milieu des mers, se fraye un sentier sûr,
Parmi les flots salés garde un flot doux et pur,
Invisible, d’Enna va chercher le rivage,
Et l’amer Téthys ignore son passage[1].


LIX[2]


Lorsqu’un amant, qui pleure en vain près d’une belle,
La voit à ses rivaux également rebelle.
Il peut souffrir ; il peut, sans honte et sans éclats,
Partager des rigueurs qui ne l’outragent pas.
Mais à d’autres que lui s’il voit qu’elle est unie,
Son infortune alors lui semble ignominie ;
Et dans son cœur blessé gémissent en courroux
L’orgueil, l’amour : tous deux dieux sombres et jaloux.


LIX[3]


Au matin.

Pour elle en ce moment, au sortir de son lit,
Dans ces coupes dont Sèvre, émule de la Chine,
Façonne et fait briller la pâte blanche et fine,
Les glands dont l’Yémen recueille la moisson
Mêlent aux flots de lait leur amère boisson,

  1. Plusieurs de ces vers ont été insérés à la fin du premier chant de l’Art d’aimer.
  2. Éd. G. de Chénier.
  3. Éd. G. de Chénier.