Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/50

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Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes,
Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ;
Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. »

L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poète :

Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu.
Est-ce toi dont les pas ont visité ce lieu ?
Parle, est-ce toi, Clytie, ou dois-je attendre encore ?
Ah ! si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore,
Rêver au peu de jours où j’ai vécu pour toi,
Voir cette ombre qui t’aime et parler avec moi,
D"Élysée à mon cœur la paix devient amère,
Et la terre à mes os ne sera plus légère.
Chaque fois qu’en ces lieux un air frais du matin
Vient caresser ta bouche et voler sur ton sein,
Pleure, pleure, c’est moi ; pleure, fille adorée ;
C’est mon âme qui fuit sa demeure sacrée,
Et sur ta bouche encore aime à se reposer.
Pleure, ouvre-lui tes bras et rends-lui son baiser.

Entre autres manières dont cela peut être placé, écrit Chénier, en voici une : Un voyageur, en passant sur un chemin, entend des pleurs et des gémissements. Il s’avance, il voit au bord d’un ruisseau une jeune femme échevelée, tout en pleurs, assise sur un tombeau, une main appuyée sur la pierre, l’autre sur ses yeux. Elle s’enfuit à l’approche du voyageur qui lit sur la tombe cette épitaphe. Alors il prend des fleurs et de jeunes rameaux, et les répand sur cette tombe