Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/53

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La paix seule aguerrit mes pieuses morsures,
Et mes fureurs servent les lois.

Contre les noirs Pythons et les Hydres fangeuses,
Le feu, le fer, arment mes mains ;
Extirper sans pitié ces bêtes venimeuses,
C’est donner la vie aux humains.

Sur un petit feuillet, à travers une quantité d’abréviations et de mots grecs substitués aux mots français correspondants, mais que la rime rend possibles à retrouver, on arrive à lire cet autre ïambe écrit pendant les fêtes théâtrales de la Révolution après le 10 août ; l’excès des précautions indique déjà l’approche de la Terreur :

Un vulgaire assassin va chercher les ténèbres
Il nie, il jure sur l’autel ;
Mais, nous, grands, libres, fiers, à nos exploits funèbres,
À nos turpitudes célèbres.
Nous voulons attacher un éclat immortel.

De l’oubli taciturne et de son onde noire
Nous savons détourner le cours.
Nous appelons sur nous l’éternelle mémoire.
Nos forfaits, notre unique histoire,
Parent de nos cités les brillants carrefours.

Ô gardes de Louis, sous les voûtes royales
Par nos ménades déchirés,
Vos têtes sur un fer ont, pour nos bacchanales.
Orné nos portes triomphales.
Et ces bronzes hideux, nos monuments sacrés.

Tout ce peuple hébété que nul remords ne touche.
Cruel même dans son repos,