Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/59

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guerres de commentateurs : ce serait pousser trop loin la Renaissance[1].

Voilà pour les préliminaires ; mais le principal, ce qui devrait former le corps même de l’édition désirée, ce qui, par la difficulté d’exécution, la fera, je le crains, longtemps attendre, je veux dire le commentaire courant qui y serait nécessaire, l’indication complète des diverses et multiples imitations, qui donc l’exécutera ? L’érudition, le goût d’un Boissonade, n’y seraient pas de trop, et de plus il y aurait besoin, pour animer et dorer la scholie, de tout ce jeune amour moderne que nous avons porté à André. On ne se figure pas jusqu’où André a poussé l’imitation, l’a compliquée, l’a condensée ; il a dit dans une belle épître :

Un juge sourcilleux, épiant mes ouvrages.
Tout à coup, à grands cris, dénonce vingt passages
Traduits de tel auteur qu’il nomme ; et, les trouvant,
Il s’admire et se plaît de se voir si savant.
Que ne vient-il vers moi ? Je lui ferai connaître
Mille de mes larcins qu’il ignore peut-être.
Mon doigt sur mon manteau lui dévoile à l’instant
La couture invisible et qui va serpentant,
Pour joindre à mon étoffe une pourpre étrangère…

Eh bien ! en consultant les manuscrits, nous avons été vers lui, et lui-même nous a étonné par la quan-

  1. Pour certaines variantes du premier texte, on m’a parlé d’un curieux exemplaire de M. Jules Lefebvre qui serait à consulter, ainsi que le docte possesseur. Je crois néanmoins qu’il ne faudrait pas, en fait de variantes, remettre en question ce qui a été un parti pris avec goût. Toute édition d’écrits posthumes et inachevés est une espèce de toilette qui a demandé quelques épingles : prenez garde de venir épiloguer après coup là-dessus.