Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/60

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tité de ces industrieuses coulures qu’il nous a révélées çà et là, junctura callidus acri. Quand il n’a l’air que de traduire un morceau d’Euripide sur Médée :

Au sang de ses enfants, de vengeance égarée,
Une mère plongea sa main dénaturée, etc.,

il se souvient d’Ennius, de Phèdre, qui ont imité ce morceau ; il se souvient des vers de Virgile (églogue VIII), qu’il a, dit-il, autrefois traduits étant au collège. À tout moment, chez lui, on rencontre ainsi de ces réminiscences à triple fond, de ces imitations à triple suture. Son Bacchus : Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée ! est un composé du Bacchus des Métamorphoses, de celui des Noces de Thétis et de Pelée ; le Silène de Virgile s’y ajoute à la fin[1] Quand on relit un auteur ancien, quel qu’il soit, et qu’on

  1. Je trouve ces quatre beaux vers inédits sur Bacchus :
    C’est le dieu de Nisa, c’est le vainqueur du Gange,
    Au visage de vierge, au front ceint de vendange,
    Qui dompte et fait courber sous son char gémissant
    Du Lynx aux cent couleurs le front obéissant…
    J’en joindrai quelques autres sans suite, et dans le gracieux hasard de l’atelier qu’ils encombrent et qu’ils décorent :
    Bacchus, Hymen, ces dieux toujours adolescents…
    Vous, du blond Anio Naïade au pied fluide ;
    Vous, filles du Zéphire et de la Nuit humide,
    Fleurs…
    Syrinx parle et respire aux lèvres du berger…
    Et le dormir suave au bord d’une fontaine…
    Et la blanche brebis de laine appesantie…
    et celui-ci, tout d’un coup satirique, aiguisé d’Horace, à l’adresse prochaine de quelque sot :
    Grand rimeur aux dépens de ses ongles rongés.