Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/77

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ractère privé, innocent et fraternel, et que l’esprit public s’élève et se fortifie au milieu des amusements civiques, André Chénier l’enferme dans ce dilemme : « Dans un pays qui est témoin d’une telle fête, de deux choses l’une : ou c’est l’autorité qui la donne, ou il n’y a point d’autorité dans ce pays-là. »

Le même sentiment militaire d’André Chénier, déjà si noblement irrité dans l’affaire des Suisses, s’anime de nouveau et éclate par les plus beaux accents, à l’occasion de l’assassinat du général Dillon, massacré après un échec de ses propres soldats près de Lille, en 1792. André Chénier en tire sujet d’adjurations éloquentes et véritablement patriotiques : « Ô vous tous, dont l’âme sait sentir ce qui est honnête et bon ; vous tous qui avez une patrie, et qui savez ce que c’est qu’une patrie !… élevez donc la voix, montrez-vous… Ce moment est le seul qui nous reste : c’est le moment précis où nous allons décider de notre avenir… La perte d’un poste est peu de chose, mais l’honneur de la France a été plus compromis par de détestables actions qu’il ne l’avait été depuis des siècles. » Il réclame la punition énergique, exemplaire des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. »

Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le