pour envenimer cette dissidence des deux frères, laquelle, du reste, n’eut jamais le caractère qu’on a voulu lui prêter. Leur brouille ne fut que de quelques mois. Lorsque après le 10 août, André Chénier, souffrant et retiré de la polémique, voulut aller à Versailles pour s’y reposer et y refaire sa santé, ce fut Marie-Joseph même qui lui loua cette petite maison où il a écrit ses dernières odes si élevées et si touchantes[1].
André Chénier, d’ailleurs, ne jugeait point Marie-Joseph et ses tragédies révolutionnaires avec la sévérité qu’on pourrait supposer d’après l’esprit modéré de l’ensemble de ses doctrines. Il se retrouvait frère et un peu partial à cet endroit. Dans un écrit daté de 91 et intitulé Réflexions sur l’Esprit de parti, il se montre injuste et vraiment injurieux pour Burke, et le désir de venger son frère de ce que Burke avait dit sur la tragédie de Charles IX dans son fameux pamphlet y entre pour quelque chose.
En général, la politique d’André Chénier doit être envisagée comme une politique de droiture et de cœur, émanée d’une simple et haute inspiration personnelle. Attaché à la Constitution de 91, la jugeant praticable malgré ses défauts, croyant que la question serait résolue si tous les honnêtes gens s’unissaient pour prêter main-forte à cette loi une fois promulguée, seul d’ailleurs, ne tenant à aucun parti, à aucune secte, ne connaissant pas même les rédacteurs du
- ↑ Je tiens ce fait de M. Gabriel de Chénier, neveu des deux poètes.