Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/66

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Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi,
Ondoyante, volait et s’élançait vers moi. »

Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l’onde pure :
« Hylas ! Hylas ! » il crie et mille et mille fois.
Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix ;
Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine,
Lui répond d’une voix non entendue et vaine.
....................
De Pange, c’est vers toi qu’à l’heure du réveil
Court cette jeune idylle au teint frais et vermeil.
Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle,
Lui disais-je. Aussitôt, pour te paraître belle,
L’eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants ;
D’une étroite ceinture elle a pressé ses flancs ;
Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête,
Et sa flûte à la main, sa flûte qui s’apprête
À défier un jour les pipeaux de Segrais,
Seuls connus parmi nous aux nymphes des forêts.


VI

LA JEUNE TARENTINE

 
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !

Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
Là, l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Dans le cèdre enfermé sa robe d’hyménée,
Et l’or dont au festin ses bras seraient parés,
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L’enveloppe ; étonnée et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.