Page:Chair molle.djvu/193

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Lucie malgré elle, s’intéresse à ce bruit, considère tout curieusement. Elle voudrait s’étourdir à jamais. Elle sent que toute pensée lui sera désormais douloureuse. Et, par degrés, elle se reprend à rêver, toujours immobile : Ces gens-là sont heureux ; ils n’ont point de peines cuisantes. Elle seule se trouve encore sans abri, repoussée de tous. Des larmes lui vinrent aux yeux. Là, vrai, elle n’avait pas de chance, elle n’en aurait jamais ; et toujours c’était la faute des hommes qui se moquaient d’elle, sans pitié.

Un gamin passant lui demanda :

— Vous allez à la gare ? Mademoiselle. Voulez-vous que je vous porte votre valise ?

Cette question, brusquement, changea les idées de la fille.

— Oui, c’est ça, prends la valise. À quelle heure le train pour Lille ?

— Oh ! nous arriverons, allez, c’est à midi un quart.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Elle allait, par petits pas pressés, dans la rue Saint-Aubert, sous un gai soleil. La vitesse de sa marche semblait enfin l’éveiller d’une stupeur pénible. Oui, elle irait à Lille. Mardi elle y était restée quelques heures et, vraiment, elle avait trouvé cette ville très amusante. Des images rapides lui revenaient à l’esprit. Elle se voyait traversant la rue de la gare, si large, au milieu