Page:Chair molle.djvu/35

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mirée, elle se trouva beaucoup mieux que ces femmes, plus fraîche et plus appétissante. Si les hommes la négligeaient ainsi, c’est qu’elle ne leur faisait pas d’avances. Cependant, elle eut comme une secrète envie d’affirmer sa valeur, de se montrer évidemment supérieure à toutes, à cette Laurence surtout, dont l’opulence des formes, la poitrine mouvante, attiraient les caresses. Elle la voyait s’efforcer à séduire Eugène. Sans doute ce garçon était riche, puisqu’on montrait tant d’empressement à lui plaire. Peut-être celle qui saurait le captiver parviendrait-elle à obtenir sa sortie du lupanar, à devenir sa maîtresse…

Quel bonheur, si elle pouvait s’en faire aimer ! Elle serait libre, luxueusement entretenue. Et elle résolut accaparer pour elle seule, les attentions du mâle, charmée par l’espoir d’une vie indépendante et large.

Comme le jeune homme s’approchait, elle l’appela :

— Eh bien ! c’est comme cela que vous me lâchez ? Ce n’est pas gentil vraiment.

— Oh ! ma pauvre Nina, me voilà, que veux-tu ? m’aimer ?

En ce moment, Madame entra. Elle paraissait vexée. Un silence se fit, elle ordonna :

— Mesdames, on vous demande, passez dans le salon bleu.