Page:Chair molle.djvu/8

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peut les compter, quoi qu’on en ait dit. Encore, pour faire nombre, j’ai dû en mettre des petites, de toutes petites, à côté des très grandes. Eh bien ! fussent-elles cent fois plus nombreuses, « les filles » du roman moderne, M. Paul Adam n’en aura eu que plus de mérite d’avoir ajouté la sienne à la famille ; et il ne faudrait point que, demain, quelque nouveau venu se gênât pour en marquer encore une à son empreinte personnelle.

Ce qui me prend au cœur dans Chair Molle, ne vous en déplaise, c’est la psychologie seule, rien que la psychologie, du personnage central, cette même psychologie dont la critique idéaliste a fait le champ de bataille de ses dernières résistances. Seulement, il faut s’entendre : mieux que par des raisonnements, plus clairement qu’au moyen de dissertations fastidieuses, avec la précision d’une expérience, l’évocateur de Lucie Thirache nous a montré le dedans d’un être. Pauvre être, sans défense, irresponsable, chair à plaisir, chair à souffrir ! Qui de nous n’a rencontré quelque Lucie Thirache ? Eh bien, celle du livre nous fait mieux comprendre celles de la réalité. Intelligence crépusculaire, volonté capricante, vacherie native développée dans l’exercice de la prostitution : tout est posé, déduit, éclairé par des faits. Et rien n’est poussé au noir. Tenez ! la voici, semblable à la généralité de l’espèce, bonne fille, sympathique, généralement inoffensive, dupe toujours. Elle rit, elle est insouciante,