Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/205

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aussi loin d'une façon aussi brusque, parfois aussi excessive. Peu lui importe la violence du choc qu'il produit, pourvu que, de ce choc, il fasse jaillir une vive étincelle.

L'antithèse, chez lui, est souvent heureuse, et il en sait tirer de beaux effets ; c'est ainsi qu'il nous montre Napoléon à Saint-Hélène.

Ce que sou œil chercliait, daus uu passé prol'outl,

Ce u'était pas Madrid, le Kremliu et le Phare,

La diane au matiu, i'redounant sa fanfare,

Le bivouac sommeillant dans les feux étoiles,

Les dragons chevelus, les grenadiers épiques,

Et les rouges lanciers, fourmillant dans les piques.

Gomme des fleurs de ])our])re en l'épaisseur des blés.

Non, ce qui l'occupait, c'est l'ombre blonde et rose D'un bel enfant qui dort, la bouche demi-close,

Gi'acieux comme l'Orient, Tandis qu'avec amour, sa nourrice enchantée, D'une goutte de lait au bout du sein restée

Agace l'enfant en riant.

Cette antithèse-là est réellement belle et d'un grand effet; j'en puis dire autant de celle où il montre le cadavre du même conquérant, rentrant, acclamé, dans Paris, au bruit des canons et des tambours, tandis qu'il est dévoré par le ver du tombeau. Tant qu'elle reste dans ces limites, l'anti-

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