Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/237

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Il est donc tout simple qu'on éprouve un charme particulierà étudier, chez les écrivains, le sentiment de la nature. C'est bien moins la nature elle-même qui nous occupe dans une telle étude, que le génie de l'auleur. Virgile a contemplé le même monde qu'Homère, et leurs sentiments, à cet égard, seront cependant fort différents ; de même que Raphaël et iMichel-Ange, en présence du même modèle, ne produiront pas la même œuvre.

J'oserai dire, cependant, qu'à tout prendre, c'est un sentiment esthétique d'un ordre secondaire, et que c'est là, sans doute, la cause qui l'a fait né- gliger au dix-septième siècle.

Je n'en rabaisse point la valeur, et je ne conteste pas qu'il ne puisse, à un moment donné, produire chez un poëte de très-beaux mouvements; mais, de ces trois termes de toute philosophie et de toute poésie : l'homme, la nature et Dieu, il faut consta- ter que celui du milieu est moins élevé que les deux autres; qu'il ne doit être admis que comme un intermédiaire entre le premier et le troisième*.

' M. Alfred Tonnelle a émis, à ce sujet, des observations remar- quables et d'une justesse frappante : « Ce manque de sentiment de la nature, dit-il, tant reproché au dix-septième siècle, est-ce un dé- faut? N'est-ce pas plutôt une marque de grandeur, de virilité ?» — Ce ne sont que des intelligences sceptiques ou faibles qui pourront jamais assigner à ce sentiment une importance capitale. Le génie, en pleine possession des lumières de la foi, aime mieux se mouvoir dans les

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