Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/271

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du bruil du clairon. Il redit les combats légen- daires ; il se plaît à montrer la France écrasant, à elle seule, l'Europe réunie ; il s'échauffe au souve- nir de la Révolution.

Ici vient se placer une question que j'ai omise jusqu'à présent, et qui, vu son importance, méri- terait d'être traitée à part : comment se fait-il, comment peut-on raisonnablement expliquer qu'un poëte royaliste dans ses premières années et démo- crate à la fin de sa vie, se soit laissé, dans l'inter- valle, séduire par la figure de Napoléon I" ? A celte apparente anomalie, il y a deux raisons, dont l'une tient au poëte, l'autre à son temps.

Ronsard et Victor Hugo ont tous les deux ce trait commun qu'ils sont épris du grandiose dans les mots et dans les choses ; mais, sur ce point, Hugo dépasse encore de beaucoup Ronsard. Francus est un héros, à peu près de la taille d'Enée, dont il a les qualités et les défauts. Ruy-Gomez, Charles- Quint, dans le monologue {\'Hernani, Les Bur- fjraves, atteignent des proportions presque gigan- tesques. Dans ses descriptions, le poëte a l'habitude de forcer la note; il voit tout plus grand que na- ture. Son imagination lui montre les grands hommes, Alexandre, César, Charlemagne comme d'immenses statues, ayant pour base quelque énorme piédestal.