Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/105

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que ce résultat fut absolument nul. Ce qu’avaient été, en petit, les années de Dresde, les mois de Munich le furent à leur tour sur une plus grande échelle : les divers éléments de la société, comme ceux qui leur donnent le mot d’ordre, ne comprirent rien, entravèrent tout ; la noblesse et la bourgeoisie, la cour et la ville, la presse et la plèbe, tous, dans une houle faite de toutes les médiocrités, n’eurent qu’un cri : « Lapidez-le ! » Le monarque lui-même dut céder devant l’unanimité des huées. La construction du Festspielhaus fut indéfiniment ajournée, l’école de musique, telle que Wagner la voulait, n’arriva point à s’organiser, et la représentation de Tristan, comme d’ailleurs, en 1808, celle des Maîtres Chanteurs, entreprise dans des conditions à peu près semblables, demeura un événement isolé dans les annales de l’opéra, sorte de monstrum per excessum, mort-né, et sans influence sur la vie théâtrale en Allemagne. C’est pourquoi cette époque de la vie de Wagner est une des plus amères ; à Munich, ses espérances les plus chères, les plus hautes, les plus justifiées en apparence, furent déçues ; là, se joua le troisième et dernier acte de la tragédie qu’on pourrait appeler : « Paris, Vienne, Munich. »

Et pourtant, de cette néfaste époque, le maître banni emportait avec lui des résultats bienfaisants. Il avait voulu servir le monde de tout son être, et le monde avait refusé ses services ; mais il avait reçu le salaire des âmes désintéressées : ce qu’il voulait créer pour le bonheur et pour la gloire des autres, allait tourner à sa gloire et à son bonheur propres. Les cabales de la haine n’avaient fait que donner à l’amitié royale une trempe nouvelle et plus forte ; sous la protection de cet auguste ami, le maître proscrit devait passer loin